Mardi 21 octobre, lors d’une « semaine de contrôle » le groupe écologiste et la commission des affaires sociales ont demandé la mise à l’ordre du jour de la séance un débat suite à la publication du rapport de comité de suivi amiante (présidé par Aline Archimbaud) intitulé : Amiante : des enjeux toujours actuels, relever le défi du désamiantage.
Sur ce sujet très transversal de santé publique, c’est Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion qui est venue porter la parole du gouvernement dans ce débat.
Marie Blandin est intervenue dans le débat au nom du groupe écologiste. Voici le texte de son intervention (seul le prononcé fait foi). L’intégralité des débats est en cours de publication >> ICI.<<
Le Sénat a produit un rapport d’investigation en 2005 pour comprendre et décrire comment l’Etat (je cite) avait été « anesthésié par le lobby de l’amiante ». Les sénateurs Dériot et Godefroy étaient rapporteurs, sous la présidence de Jean-Marie Vanlerenberghe.
Ce rapport consensuel et exigeant préconisait déjà de prévenir les futures contaminations, de s’intéresser aux entreprises de désamiantage, et aux intervenants de second œuvre sur site amianté.
Au passage il recommandait l’interdiction des fibres vitro-céramiques. Le ministre du travail Gérard Larcher ne disait-il pas dans son audition à propos de celles-ci qu’elles étaient considérées comme potentiellement cancérigènes… Et qu’il fallait recenser les produits de substitutions moins dangereux (p 309 rapport II) ? Où en sommes-nous?
Les écologistes remercient Aline Archimbaud et ses collègues de la commission des affaires sociales, d’avoir, par leur travail de grande qualité et leur nouveau rapport, actualisé et documenté l’alerte, et permis cet important débat.
Car il y a urgence. Le nombre de chantiers de désamiantage se multiplie, beaucoup apparaissent à l’occasion de la rénovation thermique, d’autres sont en attente car difficiles à entreprendre, comme certains CHU.
Mais d’une part la réglementation exigeante concernant les travailleurs est mal suivie. D’autre part il y a carence pour ce qui concerne les riverains, et le suivi des déchets enlevés.
Beaucoup a été dit par les intervenants.
Je me contenterai donc d’insister sur cinq points
1> Le diagnostic des locaux vendus ou loués doit être plus précis et s’accompagner impérativement d’un plan des lieux investigués. Il faut un meilleur décret, et des exigences accrues pour le DTA.
La mémoire du lieu est en permanence un outil qualitatif qui peut sauver des vies. Tel plombier ou tel électricien perçant des cloisons peut voir sa santé compromise du simple fait que le relevé soigneux des gaines encore amiantées lui aura été ou non communiqué.
Coût d’un nouveau décret ? Zéro euro !
2> A propos des chantiers de réhabilitation, il nous faut tirer les leçons des aléas rencontrés. Afin d’éviter tout arrêt intempestif du chantier ou toute tentation d’occulter le risque en raison de surcoûts, c’est AVANT les appels d’offres de l’Etat, des collectivités et des maîtres d’ouvrage qu’il faut diagnostiquer la présence d’amiante.
Coût de l’opération ? Zéro euro !
3> La protection des salariés doit être mieux garantie par une formation ad hoc des CHSCT concernés, des pauses compatibles avec le port d’équipements protecteurs oppressants, et des contrôles plus réguliers, en particulier pour l’usage illicite d’intérimaires, ou de travailleurs non francophones qui signent à l’aveugle la note de mise en garde.
Au sujet des travailleurs, si une bonne traçabilité des expositions nous semble indispensable pour leur suivi sanitaire, il est impératif de veiller à ce que ces données ne soient en aucun cas utilisables par de futurs employeurs pour les tenir à l’écart d’une embauche.
Coût de cette protection ? Zéro euro !
4> Les contaminations environnementales périphériques sont une vraie source d’inquiétude pour les riverains. Les pouvoirs publics doivent garantir leur bonne information, et la mise en œuvre de toute mesure protectrice, allant des vérifications de l’intégrité des bâches d’étanchéité du chantier aux arrosages réguliers des lieux susceptibles de véhiculer des fibres.
Vous allez me dire que ce dispositif représente un coût. Je vous répondrai qu’en évitant de futurs malades vous réaliserez une économie de plusieurs millions d’euros.
5> Une véritable traçabilité des déchets enlevés doit être instaurée, et le choix du lieu de la mise en décharge (déchets dangereux, inertes ou non) doit tenir compte des manipulations brutales qui font que des matériaux d’amiante prétendument « liée » deviennent des sources d’amiante friable après transport et casse.
Enfin, une étude indépendante de valorisation de l’amiante vitrifiée devrait permettre de baisser les coûts en suspendant une TGAP liée au manque d’usages possibles.
Faute de clarification, de suivi, et de coût acceptable, nous risquons de voir encore de nombreux sacs d’amiante « tomber du camion » pendant les trajets.
Enfin ce débat permet de reposer solennellement la question de l’expertise et des conditions de fabrication et de mise sur le marché des nanomatériaux. Ne répétons pas, par manque de règles et de précaution, un scandale sanitaire.
Comme l’amiante certains nanomatériaux sont en fibre à forte pénétration.
Comme l’amiante ils peuvent s’accumuler, être inflammatoire et carcinogène.
Mais du fait de leur taille (1000 fois plus petite qu’une fibre d’amiante), ils vont beaucoup plus loin dans les tissus, dans les cellules, dans leurs noyaux.
Cette petite taille accroît les effets surface, et les contacts toxiques. En un gramme de nanoparticules, il y a 100 à 1000 mètres carrés de surface de contact.
Si les articles 37 et 73 du Grenelle 2 ont un peu amélioré les exigences de transparence, le temps est venu, pour l’Europe comme pour la France de combler ce non lieu de l’encadrement sanitaire et de la protection des consommateurs comme des salariés.
Madame la ministre, le gouvernement doit prendre ses responsabilités.
Que ce soit pour l’éradication de l’amiante, le suivi des désamiantages ou l’encadrement des nanomatériaux, ce message aurait pu s’adresser
à Marisol Touraine pour la santé,
à François Rebsamen pour le travail,
à Sylvia Pinel pour le logement,
à Ségolène Royale pour l’environnement.
Je ne doute pas, Madame Neuville, que vous aurez la force de leur faire entendre que personne, demain, ne pourra dire qu’il ne savait pas.
source: http://mariechristineblandin.eelv.fr/relever-les-defis-du-desamiantage/